Histoire de la PPJ
Le Pontiac étant un important fournisseur de bois à l'industrie des chemins de fer, il est donc tout naturel que la Compagnie de chemin de fer Montréal Northern Colonization ait pensé à le traverser dans le cadre du projet du grand réseau ferroviaire allant de l'Atlantique au Pacifique. Afin de garantir la pose des rails, le Pontiac devait acheter $ 150 000 de parts, une somme colossale pour l'époque. La mesure fut donc soumise au vote et adoptée. Mais le mauvais sort s'abattit sur l'entreprise qui s'effondra dans des circonstances scandaleuses et le Pontiac n'eut pas à payer cette somme.
Le gouvernement provincial prit possession de la ligne ferroviaire, promettant au Pontiac qu'il aurait bientôt son chemin de fer. Le chemin de fer Pontiac Pacific Junction (PPJ) s'incorpora en 1880 et fut doté d'une charte l'autorisant à établir une voie ferrée d'Aylmer à Pembroke. Cette charte devait encourager le gouvernement provincial à compléter la ligne originale de Montréal à Pembroke, liaison nécessaire et obligée pour que le réseau ferroviaire du Pontiac fût relié au vaste réseau pancanadien. Néanmoins, il apparut rapidement que le gouvernement provincial était en banqueroute et la PPJ n'eut d'autre choix que de trouver elle-même les fonds indispensables.
L’acronyme PPJ a inspiré la formule «Push, Pull and Jerk» (Poussez, Tirez et Cahotez).
Le Conseil de Pontiac fut à nouveau saisi d'une demande de contribution de 100,000 $ pour la construction de la ligne. Puisque les chemins de fer de l'époque dépendaient presque exclusivement des fonds publics, il fallait que la question soit soumise au vote et entérinée à la majorité des voix. Les avantages indéniables d'un chemin de fer donnèrent l'impression que le vote serait facilement enlevé. Or, il n'en fut rien. La campagne de la PPJ se fit dans une atmosphère trouble. La population se montra divisée jusqu'au sein des familles. Les opposants au projet gagnèrent cette partie de bras de fer, mais les promoteurs ne s'avouèrent pas vaincus pour autant. Le Conseil fut réuni à nouveau en septembre après que les petits fermiers qui s'étaient farouchement opposés au projet soient partis travailler au bois. Les opposants ainsi écartés, le vote fût cette fois-ci favorable !. Il n'est pas étonnant que la seule mention du chemin de fer suscite encore de nos jours quelques colères !
Toutefois, le mauvais sort n'avait pas encore jeté l'éponge. En effet, le Pontiac s'opposa en 1884 à couvrir les intérêts sur les obligations de $ 100 000. Prenant soudainement conscience de la lourde ponction que cela représentait pour une région si faiblement peuplée, le Conseil décida de ne pas honorer son contrat en prétextant que la PPJ n'avait pas respecté ses obligations. La '' Push Pull and Jerk'', traduction populaire de la Pontiac Pacific Junction, s'adressa au Conseil privé de Londres qui conclut que les prétentions du Pontiac n'étaient pas fondées et que la région avait donc l'obligation de respecter les clauses du contrat. La PPJ venait de se faire un ennemi amer, mais elle avait gagné.
Tandis que les hommes se déchiraient entre eux, le chemin de fer poursuivait sa progression. Il atteignit Quyon en 1885 et le service régulier fut établi avec Aylmer. Au début de l'année 1886, Shawville, puis Fort Coulonge furent désenclavés. Enfin, en 1888, la voie ferrée atteignit Waltham et s'y arrêta. La PPJ concentrait alors son pécule à l'extrémité est de la ligne. Elle devait d'ailleurs passer le reste de son existence à se débattre pour obtenir la ligne entre Aylmer et Hull, de même que pour jeter un pont vers Ottawa. Ces deux objectifs furent atteints en 1900.
Malgré la dette que le comté du assumer, ses habitants commencèrent bientôt à bénéficier des avantages découlant du chemin de fer. Les villes et villages situés le long du tracé se développèrent et prospérèrent. Les grumes, qui étaient autrefois transportées en dehors du comté par voie d'eau, étaient maintenant sciées sur place et expédiées comme bois de construction. Vingt gares furent construites le long de la ligne. Dans les centres importants, on érigea de vastes dépôts, comme celui de Parker. Ils comprenaient une salle d'attente, un bureau pour le chef de gare et un local des messageries. L'agent trouvait souvent son logement à l'étage et plusieurs familles nombreuses furent élevées dans certains des dépôts le long de la ligne. Les haltes moins importantes avaient souvent des bâtiments plus modestes. A titre d'exemple, la gare de Lawn était constituée d'un simple wagon plat perché sur des poteaux. De plus, un hangar occupait la moitié de son espace.
À proximité des centres ferroviaires, des minoteries comme le moulin de Clarendon, construit entre 1884 et 1888, fonctionnait hiver comme été, souvent de nuit et de jour, n'interrompant ses activités que le dimanche. Les petits cultivateurs apportaient leur blé pour qu'il soit transformé en farine destinée à leur usage personnel. Ils avaient souvent des excédents de grain qu'ils vendaient ou troquaient. La culture du blé était prospère dans le Pontiac.
La compagnie PPJ exerça ses activités sous le statut de compagnie indépendante pendant deux décennies et le comté lui fut redevable de bien des avantages. La PPJ fusionna en mai 1902 et la nouvelle ligne se plaça sous le vocable de Chemin de fer Ottawa Northern et Westhern. Cette ligne ne fut en opération que jusqu'en novembre de la même année, alors que la compagnie du Canadien Pacifique prenait l'ON&N à bail pour 999 ans. De fait, le CP reprit l'opération de la ligne. L'ON&N poursuivit toutefois son existence légale distincte. Pendant environ un quart de siècle, elle continua de demander - et reçut - des octrois. Sa charte se maintint jusqu'en 1923 pour la construction d'une ligne entre Waltham et Pembroke.
Le chemin de fer constitua jusque dans les années 1920 un moyen de transport peu coûteux vers Ottawa. L'industrie du bois connut une nouvelle prospérité. Les fermiers eurent accès aux marchés extérieurs et une industrie laitière vit le jour. Les moulins et les petites industries se développèrent et les municipalités le long de la voie ferrée prospérèrent. Le blé local représenta une récolte importante jusque dans les années 1930. A partir de 1934, le prix du blé s'effondra. L'amélioration du mode de transport rendit moins coûteux l'importation des céréales des provinces de l'Ouest, ce qui provoqua un effondrement des prix. La tendance vers une plus grande industrialisation et la spécialisation se fit sentir dans tous les secteurs de la vie du Pontiac. Les petits cultivateurs qui s'adonnaient à la culture mixte se retrouvèrent sans marché et plusieurs jeunes émigrèrent vers les villes. A la fin de la seconde guerre mondiale, les grandes minoteries et la distribution en série de cette denrée constituaient la part du lion du marché de la farine. Le moulin à farine de Clarendon ferma ses portes en 1944.
Le CP procéda à la dissolution de la plupart de ses compagnies à bail en 1958, acquérant toutes leurs propriétés et leurs actifs. Pendant une bonne partie du XXe siècle, la subdivision Waltham fut une ligne profitable et achalandée. Le service de passagers et la clientèle déclinèrent inévitablement avec l'amélioration des routes et la popularité grandissante des automobiles. Les deux trains journaliers de passagers tombèrent à un seul en 1930. En 1955, il combinait passagers et marchandises. Le service fut discontinué en 1959, alors que le nombre de passagers devint des plus anémiques. Néanmoins, la ligne s'avéra essentielle pour la mine de fer Hilton à Bristol. La fermeture de la mine, qui, intervint en 1977, signa l'arrêt de mort du CP dans le Pontiac. En 1984, moins de cent ans après son implantation, la voie ferrée fut démantelée de Wyman à Waltham. La ligne entre Wyman et Aylmer connut le même sort en 1987.
Une page importante de l'histoire de la région fut tournée